Le Fascisme japonais (1931-1945). Analyse et interprétation
Morvan PERRONCEL
Les trois textes traduits et présentés dans ce livre ont été publiés par Maruyama Masao entre 1946 et 1949. Ils forment la première analyse non-marxiste d’ensemble de l’idéologie et du processus politique intérieur qui avaient conduit le Japon à se lancer dans une guerre totale avec les Etats-unis et leurs alliés. Aujourd’hui encore, malgré les nombreuses recherches qui se sont accumulées depuis lors, on continue de s’y référer.
En août 1945, alors qu’il se trouvait à Hiroshima, toujours mobilisé, Maruyama n’avait encore que quelques intuitions au sujet du processus qui avait conduit à la guerre. Quelques mois plus tard, dans un article allait faire date, « Logique et psychologie de l’ultranationalisme », il mettait en lumière le système de pensée qui avait permis la fascisation progressive du régime japonais, s’efforçant de comprendre pourquoi la démocratisation en marche depuis l’ère Meiji avait dévié de sa trajectoire.
Dans le second texte, il clarifiait le rôle des mouvements extrémistes dans les années 1930. Contrairement aux mouvements fascistes italiens ou allemands, ceux-ci ne s’étaient pas développés au point de prendre le pouvoir, mais ils avaient réussi à déclencher le processus qui, de l’intérieur de l’État, avait mis fin au gouvernement libéral des partis.
En 1949, enfin, Maruyama s’appuyait sur les débats du procès de Tokyo pour analyser le pouvoir bureaucratique, hérité de l’ère Meiji, soulignant la psychologie particulière qui avait selon lui favorisé l’irresponsabilité des gouvernants avant et pendant la guerre.
La clarté des textes de Maruyama les rend un en sens faciles à traduire, et rend même le travail de traduction plaisant. La difficulté vient plutôt du problème que Maruyama lui-même affrontait, à savoir le grand nombre des personnes, des organisations et des événements impliqués. Pour traduire aussi justement que possible, il a fallu se renseigner en détail sur chacun de ces éléments.
On peut bien sûr voir dans ce livre une occasion d’élargir la réflexion sur le phénomène fasciste par la prise en compte d’un cas non-européen. Mais on peut y voir aussi simplement une introduction à l’histoire politique du Japon de cette époque, relativement mal connue en France. Il convient en tout cas de ne pas lire ces textes comme s’ils ne parlaient que d’un pays lointain. En effet, certains aperçus de Maruyama peuvent inspirer même ceux qui s’intéressent avant tout à l’histoire européenne, et l’histoire du Japon moderne et contemporain ne doit de toute façon pas être isolée du reste de l’histoire mondiale.